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Recensions

L. Daniel Chrupcala (éd.), Christ is here! Studies in Biblical and Christian Archaeology in Memory of Michele Piccirillo, ofm

Anne Michel
p. 507-510
Référence(s) :

L. Daniel Chrupcala (éd.), Christ is here! Studies in Biblical and Christian Archaeology in Memory of Michele Piccirillo, ofm (Studium Biblicum Franciscanum, collectio Maior 52), Milan, Edizioni di Terra Santa, 2012, 29 cm, xxxiv + 398 p., ill. et cartes, ISBN : 978-88-6240-161-6.

Texte intégral

1Christ is here! est le troisième volume d’hommages dédié à Michele Piccirillo, archéologue franciscain, depuis son décès le 26 octobre 2008. L’ouvrage, dû à ses collègues de l’Université hébraïque de Jérusalem, de l’Université de Haïfa, de l’Autorité Archéologique d’Israël et du Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem totalise 398 p. Il rassemble 24 articles, auxquels s’ajoute une bibliographie chronologique (G. C. Bottini, p. xvii-xxxiv) regroupant la plupart des publications scientifiques de M. Piccirillo sur la période 1972-2012. Les contributions portent sur des thématiques chères à M. Piccirillo, tant du point de vue chronologique que thématique. Présentées selon un ordre géographique allant du Nord au Sud et d’Est en Ouest, elles s’attachent ainsi aux territoires israélo-palestinien et jordanien, majoritairement durant la période proto-byzantine, mais aussi médiévale.

2Trois articles sont dédiés à cette dernière. A. J. Boas (p. 11-27) résume les recherches menées par l’Université de Haïfa sur le château de Montfort depuis 2006. Il s’agit d’une part de comprendre l’histoire du développement et des remaniements de cette possession de l’ordre teutonique en Galilée, et d’autre part d’en proposer une restitution architecturale et fonctionnelle, pour laquelle les indices restent malheureusement peu nombreux. La contribution de G. Vannini (p. 381-398) s’attache à la présentation d’un projet de recherche pluridisciplinaire (philologique, archéologique, conservation et restauration) sur les fortifications médiévales (incastellamento)des vallées environnantes de Pétra, dont sont davantage évoqués les objectifs et la méthodologie que les résultats. Dans la vallée du Cédron, à l’est de la vieille ville de Jérusalem, les recherches conduites par l’Autorité Israélienne des Antiquités ont permis la mise au jour, lors de fouilles préventives liées au drainage de la vallée, de fragments d’une série de bâtiments interprétés comme un ensemble monastique qui s’est développé autour de l’église de la Dormition de la Vierge (J. Seligman, p. 185-220). Ces travaux ont notamment révélé un spectaculaire panneau peint représentant une Déisis, dont ne subsiste malheureusement que le registre inférieur et la partie basse du registre supérieur. Le panneau pourrait avoir été placé dans le réfectoire d’un des plus grands ensembles monastiques du Royaume latin de Jérusalem, destiné à l’accueil des pèlerins, voulu par Godefroid de Bouillon et connu par ailleurs par les sources écrites. Le fragment peint a été déposé ; il a fait l’objet d’une étude technique et d’une restauration présentées dans quatre courtes contributions techniques (J. Neguer, M. Tagliapietra, P. Rossano et S. Pellizzaro, et I. Shagrir, p. 221-246) en vue d’une exposition dans la salle des croisades du musée d’Israël à Jérusalem.

3Pour la période proto-byzantine, plusieurs thématiques font écho à celles abordées par M. Piccirillo au cours de sa carrière. Trois monographies d’églises évoquent l’étude des édifices religieux. Le petit ensemble d’Horvat Tinshemet (U. Dahari, p. 105-124), érigé dans le courant du vie s. et abandonné entre le milieu et la fin du viiie s., revêt un intérêt particulier par l’association d’un petit pressoir à olives à l’édifice religieux. Se fondant notamment sur un exceptionnel disque de marbre sculpté en relief d’une Tychè, dont des représentations sont connues en milieu chrétien en guise de souhait de fortune et bonne chance, l’auteur interprète ces structures comme un ensemble privé, indépendant de tout village ou monastère. Plus près de la côte, il subsistait essentiellement de la petite église de Khirbet Barqa le tapis de mosaïque de la nef centrale, organisé autour de rinceaux de vigne peuplés (O. Sion, Y. Rapuano, p. 126-130, L. Habas, p. 131-146, L. Di Segni, p. 147-150). L’inscription du médaillon placé dans la partie orientale de la nef a fourni le nom d’un quatrième évêque, Jean, pour la liste épiscopale d’Azotos. Au nord-ouest de Jérusalem, le petit édifice de Khirbet Meiyita (Y. Peleg, U. Greenfled, B. Har-Even, p. 175-184) fouillé partiellement entre 2005 et 2008, a été très endommagé par les réoccupations des débuts de l’islam et de l’époque croisée. Toujours dans les environs de Jérusalem s’ajoute à ces trois articles l’étude du schéma géométrique sous-jacent au plan de l’église octogonale de la Kathisma (R. Avner, S. Puni, p. 265-274). Les auteurs s’appuient sur la comparaison avec trois autres édifices de plan octogonal pour démontrer l’antériorité de l’église de la Kathisma sur celle du Mont Garizim, qui en serait une copie. On reste néanmoins réservé sur ce type d’approche très normative qui ne s’appuie en outre que sur quatre exemples.

4Étonnamment, les études sur les mosaïques se limitent à deux : celle déjà mentionnée de L. Habas sur l’église de Khirbet Barqa (p. 131-146) et celle de R. Talgam, T. Shadmi et J. Patrich sur un exceptionnel panneau de mosaïque de Césarée Maritime (p. 77-104). Provenant d’un ensemble proche du praetorium byzantin de la ville, le tapis s’organise autour d’une composition diagonale à quatre arbres (des vignes, selon les auteurs) partant des angles et délimitant des champs triangulaires habités. Afin d’en déterminer l’origine, les auteurs cherchent des comparaisons pour ce type de composition, assez peu répandue, et pour l’emploi du rinceau de vigne peuplé, beaucoup plus fréquent. Ils soulignent à juste titre la prudence nécessaire quant à l’interprétation de la signification du pavement : aucun indice n’impose d’attribuer à la mosaïque de Césarée une symbolique messianique chrétienne ; en effet, le thème du rinceau peuplé possède une forte valeur polysémique qui varie en fonction de son emplacement et de la culture du spectateur.

5Les contributions portant plus spécifiquement sur le monachisme sont plus nombreuses. B. Hamarneh (p. 275-296) présente un état des lieux sur les monastères ruraux de Palestine III et d’Arabie. L’auteur procède à une recension des sources littéraires et épigraphiques, pour laquelle on regrette cependant l’absence de précisions sur les nuances sémantiques des termes liés au monachisme. Elle recense ensuite les principaux vestiges monastiques, dont la liste est utilement reprise en fin d’article dans des tableaux, mais on aurait également apprécié l’adjonction de quelques indications sur les critères archéologiques retenus pour l’identification des ensembles monastiques. L’auteur souligne la place des moines dans l’administration des campagnes et leur rôle dans l’accueil des nombreux pèlerins, ainsi que les liens entre le monachisme palestinien et celui d’outre-Jourdain.

6Y. Tsafrir (p. 247-264) s’interroge sur le rôle joué par Pierre l’Ibère dans le développement du monachisme urbain de Jérusalem. Après avoir recensé les sources sur la vie du moine monophysite, l’auteur s’attache à la reconstitution de la topographie urbaine de Jérusalem au quart du ve s. Il constate aux ve et vie s. une forte activité édilitaire dans le secteur au sud de la porte de Jaffa/de David, où s’implantent de nombreuses constructions d’époque chrétienne (monastères — en premier lieu celui de Pierre l’Ibère —, institutions caritatives et hôtelleries tenues par des moines et membres du clergé), dont peu d’éléments archéologiques sont malheureusement identifiés. Ce phénomène semble se développer de façon spontanée avec le simple aval de l’évêque et du clergé, sans planification préétablie ni contrôle apparent d’une administration civile. L’auteur associe l’attractivité de ce secteur de la ville à l’époque protobyzantine au transfert, vers 300, du camp romain de la Xe légion à Aila/Aqaba.

7K. D. Politis (p. 355-380) résume dans sa contribution les dix ans de fouilles dédiés à l’étude du petit ensemble monastique développé autour du sanctuaire de Lot à Dayr ‘Ayn ‘Abata (Zoara-Ghor es-Safi). Le matériel trouvé dans la grotte atteste une présence humaine de l’âge du bronze ancien au ixe s. de notre ère au moins et le lieu est encore signalé dans les sources médiévales jusqu’au xiie s. La fréquentation culmine au vie s., avec l’aménagement d’une église remaniée au moins à trois reprises entre 572 et 691, qui est associée à un grand réservoir au sud, et à un réfectoire, un four et une hôtellerie au nord. Les sépultures collectives et la présence d’enfants portant des traces de blessures conduisent l’auteur à proposer l’hypothèse que ce complexe monastique cénobitique ait pu jouer un rôle d’hôpital. En effet, les restes environnementaux issus du réservoir attestent, par leur richesse et leur diversité, la présence d’un groupe humain plus large qu’une simple petite communauté monastique, lié à l’afflux vraisemblable de pèlerins.

8Une place particulière est accordée au mont Nébo, avec la publication des sondages effectués en 1987 par l’Université de Florence dans une longue salle à arcades du secteur occidental du monastère (A. Vanni Desideri, p. 297-318) et l’étude d’un dépôt de 230 monnaies datées des règnes d’Anastase à celui de Maurice découvert dans une des salles du monastère en 2008 (B. Callegher, p. 319-340). L’auteur analyse la composition de cet ensemble avant de la confronter à celles des dépôts similaires connus dans la région et de s’intéresser aux ateliers, qui montrent sans surprise une nette prédominance de ceux de Constantinople et d’Antioche. La comparaison avec les autres monnaies éparses découvertes sur le site permet de penser que ce dépôt s’est constitué de façon rapide en rassemblant les monnaies alors disponibles, entre le règne de Justin II et le début du règne de Phocas en 602. L’afflux monétaire s’expliquerait par les travaux effectués autour de la basilique entre 597 et 608 (baptistère et chapelle de la Vierge) ; l’enfouissement du « trésor » serait lié à la reprise des hostilités avec les Perses lors de l’accession au trône de Phocas. Ce dépôt pourrait correspondre à la recette de travaux effectués ou de vente d’objets, illustrant la valeur économique des monastères qui pouvaient écouler leur production sur les marchés : les papyri égyptiens révèlent parfois la possession de sommes d’argent individuelles par les moines.

9Trois études épigraphiques viennent également jeter un éclairage sur les aspects de la vie monastique dans les provinces palestiniennes. S’il s’agit de la simple mention d’un moine dans l’église d’Ozem, dont L. Di Segni réétudie les cinq inscriptions conservées sur le pavement de mosaïque (p. 153-158), les inscriptions géorgiennes anciennes découvertes dans une citerne d’Horvat Burgin (Y. Tchekhanovets, p. 159-166) fournissent l’un des premiers documents archéologiques sur le rôle joué par les moines et ermites géorgiens dans le mouvement monastique palestinien, connu par ailleurs par les sources littéraires. Une inscription à caractère apotropaïque — celle qui donne son titre à l’ouvrage — a été retrouvée dans une ancienne citerne réaménagée en ermitage à l’est du village de Khirbet Beit Loya (O. Gutfeld, A. Ecker, p. 167-174). Attribuée aux viie-viiie s. et placée entre une gravure figurant un homme près d’un bateau et une croix monogrammatique entre l’alpha et l’oméga, elle illustrerait selon les auteurs le rôle d’exorciste que pouvait jouer l’ermite ou homme saint dans la vie des villages. Aménagée pour le culte probablement dès l’époque hellénistique et fréquentée jusqu’à aujourd’hui par des pèlerins juifs, chrétiens, puis druzes, la grotte d’Élie sur le Mont Carmel, associée au lieu où le prophète s’est préparé à affronter les prophètes de Ba‘al, vit un monastère s’implanter à proximité au xiie s. A. Ovadiah et R. Pietri présentent le plan et les aménagements de la grotte, avant de procéder à l’étude de 22 des 180 inscriptions gravées sur ses parois, en grande majorité rédigées en grec et datées des ier-ve s. (p. 29-76). Cet ensemble — le plus important d’Israël — constitue un corpus onomastique essentiel pour les épigraphistes et une source précieuse sur les déplacements des pèlerins.

10Deux études de matériel archéologique complètent l’ouvrage. La première est dédiée à une série de vases zoomorphes de Galilée en terre cuite (A. Erlich, G. Foerster, p. 1-10). Si la typologie en trois groupes convainc, on reste plus réservé sur l’interprétation d’un usage lié à des pratiques funéraires qui en est faite pour l’époque chrétienne sur la simple base du contexte de provenance. Plus stimulante est l’étude des témoignages de la navigation sur la mer Morte dans l’Antiquité (Z. Friedmann, p. 341-354) : après s’être attachée aux textes antiques et médiévaux attestant très tôt la valeur marchande que constituait le bitume, l’auteur rappelle les batailles navales dont cette zone a fait l’objet pour sa domination commerciale à l’époque hellénistique. L’analyse des représentations des types de bateaux sur la carte de Madaba précède la présentation des vestiges archéologiques témoignant de la navigation sur la mer Morte : la spectaculaire récession des eaux depuis trente ans a en effet révélé depuis les années 2000 les pierres de mouillage liées à l’aménagement de ports et de nombreuses ancres datables des viii-viie s. av. J.C. aux x-xiie s. apr. J.-C., qui attestent l’intensité de cette activité de navigation. Les éléments de bois entrant dans leurs composantes semblent indiquer des liens plus spécifiques en direction de l’Égypte.

11Ce beau livre d’hommage au chercheur infatigable qu’était M. Piccirillo trouve son homogénéité dans la géographie et la chronologie abordées, essentiellement les territoires israélo-palestinien et jordanien entre la fin de l’Antiquité et le Moyen Âge. Par sa rédaction en anglais (au lieu de l’hébreu et de l’arabe), l’ouvrage met ainsi à la portée de la communauté scientifique internationale un aperçu des recherches archéologiques récentes sur ces régions, notamment sur le monachisme palestinien et vient heureusement compléter les volumes d’hommages dédiés à V. Corbo et S. Loffreda parus il y a 20 ans.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Michel, « L. Daniel Chrupcala (éd.), Christ is here! Studies in Biblical and Christian Archaeology in Memory of Michele Piccirillo, ofm »Syria, 91 | 2014, 507-510.

Référence électronique

Anne Michel, « L. Daniel Chrupcala (éd.), Christ is here! Studies in Biblical and Christian Archaeology in Memory of Michele Piccirillo, ofm »Syria [En ligne], 91 | 2014, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/syria/2394 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.2394

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Auteur

Anne Michel

Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, Institut Ausonius UMR 5607

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